Témoignages

Grand témoin : Emmanuelle Schædele-Giroire

20 septembre 2022
Emmanuelle Schaedele-Giroire

Une leçon de deuil… et de vie

Avec Il faut toujours se dire au revoir, Emmanuelle Schædele-Giroire retrace à la fois une histoire d’amour, la perte de son fiancé et le deuil qui en a découlé, puis sa reconstruction.

Un témoignage bouleversant et inspirant, publié à compte d’auteur, qui mérite une large diffusion auprès de toutes les personnes endeuillées par la perte d’un conjoint.

À l’âge de 24 ans, votre fiancé Thomas est victime d’un accident de moto mortel. Aujourd’hui, vous êtes mariée et avez deux enfants. Pourquoi, tant d’années après, avez-vous souhaité partager votre expérience ?

J’ai eu ce projet d’écriture très vite, mais j’ai finalement eu besoin de plus de dix années pour me lancer. Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours eu un crayon à la main pour écrire. C’est un long échange avec Carole Gaynes, romancière, qui a permis de concrétiser ce livre pour partager ma résilience.

Je voulais rendre hommage à Thomas bien sûr, mais également témoigner et raconter. Raconter la violence de cette perte, brutale. Raconter les épreuves du deuil. Raconter les conséquences dramatiques. Mon propos consistait, entre autres, à dire « protégez-vous et protégez votre conjoint ».

Dans Il faut toujours se dire au revoir, vous ne retracez pas seulement la perte de l’être aimé et le deuil, mais aussi votre histoire, depuis votre rencontre.

Il me paraissait important de présenter toute l’histoire d’amour de ce « bébé couple », qui a grandi ensemble, pour saisir la manière dont le processus de deuil s’est déroulé. Sans cette contextualisation, je pense que le récit aurait été plus plat. Je souhaitais également mettre en lumière mes proches, ma famille très présente et accompagnante. Sans eux, je pense que je n’aurai pas survécu à la mort de Thomas. C’est ma manière de les remercier, mais aussi, pour les lecteurs, d’illustrer le rôle essentiel de l’entourage et du cercle familial pour se reconstruire.

Quels messages souhaitez-vous partager avec les lecteurs ?

Je n’écarte aucun sujet. La brutalité de l’annonce, la perte des repères, l’organisation des obsèques, le déménagement, les affaires à ranger… Tout est évoqué avec sincérité, sans filtre. Je décris également des aspects plus administratifs et notamment le rendez-vous chez la notaire chargée de la succession. Comme Thomas et moi n’étions pas pacsés, et pas encore mariés, je devais m’acquitter des droits de succession. En étant légataire universelle, mais sans lien de parenté directe, l’État prélève 60 % de la part du défunt sur l’ensemble des biens mobiliers et immobiliers communs. Nous n’étions pas riches et j’ai dû vendre notre petit appartement pour payer. Un testament ne suffit pas à se protéger. Il faut donc faire bouger les lignes, alerter les pouvoirs publics. Je l’ai fait en adressant une lettre au Président de la République en 2008. Et de nouveau en adressant le livre à Brigitte Macron au moment de sa sortie. Cela n’a rien donné, mais j’ai tenté. Ce sont des drames qui se surajoutent au drame. Sans mes parents, je me serais retrouvée à la rue, réellement.

L’autre message que je souhaitais transmettre concerne l’importance de se faire accompagner. Quand on en ressent le besoin, que l’on est réellement prêt. Il faut choisir la personne ou la structure qui nous convient. Pour ma part, j’ai eu trois rendez-vous qui m’ont permis de réaliser que j’avais besoin d’avancer seule, et à mon rythme, dans mon cheminement. Il est important de s’écouter.

Votre livre est émaillé de citations. Laquelle a votre préférence ?

Sans doute celle de Paulo Coelho :

« Si vous êtes assez courageux pour dire au revoir, la vie vous récompensera par un nouveau bonjour. »

Elle résonne avec une prise de conscience. Un jour de printemps, mon père m’a proposé de sortir. J’ai refusé et nous avons discuté. La phrase qu’il a prononcée a percuté mon tympan : « Le plus grand drame de ta vie, c’est que tu n’as pu dire au revoir à Thomas. » Ce livre est justement une manière de lui dire au revoir, de dire au revoir à notre histoire rédigée sur une page inachevée, rendant difficile le fait d’en écrire une nouvelle…

Le livre se conclut par cette phrase : « La vie est belle, elle mérite de se relever. » Que voulez-vous dire ?

Si chaque deuil amoureux est unique, je pense que la vie peut, doucement, reprendre ses droits. Au départ, je refusais tout en bloc. Et peu à peu, j’ai accepté les mains tendues pour remettre le nez dehors. La fenêtre s’est entrebâillée, puis la porte s’ouvre et j’ai fini par ressortir de la maison.

Pour aller plus loin : Emmanuelle Schaedele-Giroire et Carole Gaynes, Il faut toujours se dire au revoir, Et Ma Plume, 2021.

Extrait : Un épilogue en forme de message d’espoir

« Il faut toujours croire… Croire en ses rêves, croire en la vie, croire en les autres, croire en soi, croire en l’amour… Croire en ces mots : simplicité, humilité, sincérité, confiance…

 

J’ai accepté mon passé, mes fêlures, mes faiblesses, les jolies rencontres et les moments doux. Pour reconstruire une vie, une très belle vie. Aujourd’hui, je peux dire à mes parents, à ma famille, à mes amis, à mes enfants, le plus sincèrement du monde, les yeux dans les yeux :

“Soyez sereins. Je suis heureuse, réconciliée avec certaines années, résolument tournée vers l’avenir et d’un optimisme sans failles”. Debout, droite comme un I, solide comme un roc, sereine comme jamais, je souhaite à toutes les personnes endeuillées de trouver le courage et la force d’avancer, de recommencer.

 

La vie est belle, elle mérite de se relever. »